Avoir dans la platine la nouvelle livraison de Riverside, c’est presque la certitude de ne pas perdre son temps et mieux, de prendre un sacré pied. Après avoir découpé, avec une beauté indiscutable, les contours d’un rock metallique sur Anno Domini High Definition (2009) et Shrine of New Generation Slaves (2013), les polonais reviennent explorer les contrées de leurs débuts (Out of Myself, notamment) en puisant également dans l’éther de Lunatic Soul, le projet solo du bassiste-chanteur Mariusz Duda (Walking on a Flashlight Beam). C’est sur cette route à la fois limpide et cabossée que Riverside aura donc construit Love, Fear and the Time Machine. Un sixième album où la lumière surgit avec une élégance rare.
« Nos récents albums étaient de plus en plus sombres et violents. Avec ce nouvel album, nous retournons vers quelque chose de plus lumineux. Malgré une grosse dose de mélancolie, il y a un nouveau territoire où les chansons prennent de l’espace et en même temps, elles n’ont jamais aussi concises auparavant. » – Mariusz Duda
En 10 chansons, le disque se dote d’une hybridation tout en force diabolique et en douceur atmosphérique. Il calibre un prog-rock nourrie des années 70 et 80, laissant les claviers plus en retrait pour se concentrer sur des rythmiques incroyablement émotionnelles et donner la chair de poule, de la tête aux pieds. Le casting de ce soundtrack existentiel mais « positif » est éclairé par le chant sobre, intime, émotionnel et bouleversant de Mariusz Duda. Quelle voix ! Entre le frémissant « Lost » démarré sur une nappe de clavier avant de verser dans un groove solaire, le lifting énergique « Under the Pillow », le pop « #Addicted », le rêveur « Caterpillar and the Barbed Wire », l’atmosphérique « Afloat », la splendide ballade acoustique (« Time Travellers »), tout est fait pour chavirer l’auditeur.
Le meilleur exemple de cette formule magique reste le mélange acoustique, jazzy, heavy sur les huit minutes de « Toward the Blue Horizon ». Dans des arrangements très sobres, Riverside distille douze années de savoir faire sur une mélodie chaude comme la braise avant que « Found » n’emballe le tout comme une matinée ensoleillée. La mélancolie autour n’écrase rien, n’éteint pas les musiciens, qui propagent leurs sons comme on jete un regard tranquille loin d’un puit sans fond. De ces rêves éveillés, émerveillés, Riverside redessine sa musique. Sans être pastel la praline, Love, Fear and the Time Machine repeint ses ombrés. C’est peu dire que le résultat est beau.